Télérama : 2 mai 2007

Publié le 21 mars 2006

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z Nova Sarkomix

Sarkozik et Ségomix

Recyclage et détournement des interventions des politiques : du slam écologique.

Si par hasard, vous en avez assez des soirées électorales, des plateaux de télévision où se disent des choses insipides, et de l’attente des heures durant des déclarations des finalistes, voici une solution rock’n’roll, une manière de s’informer en s’amusant, quelques instants avant l’heure fatidique du 20 heures qui révèlera le nom du vainqueur. Pour cette Prési-Dance, titre de la soirée, Polémix et La Voix Off et l’équipe du sonar mixent des bribes de direct (annonces d’estimations, réactions, et bruits et exclamations) et des archives. Le tout sur tapis de musique électro. « On recycle les déchets médiatiques, expliquent les intéressés, les petites phrases qui font l’action. On fait de la contestation joyeuse et thérapeutique à coups de sampling« .

Après l’ère Chi-Rap et Ragga-ffarin, ils veulent entrer dans celle politico-surréaliste de Sarkozik et Ségomix. Les voix sont les bonnes, mais les paroles, triturées, coupées, répétées, mélangées à des ryhtmes et des musiques. « Moi je suis speedé. J’en fais trop, font-ils dire à Nicolas Sarkozy. Oui, je suis le sinistre de l’intérieur. L’immense majorité des gens qui vivent en banlieue sont des voyous… Vous en avez assez hein… vous en avez assez de cette bande de racailles. Eh ben on va vous en débarrasser… »

Pour l’instant, les DJ de Nova, qui officient aussi tous les jeudis soir sur Radio Béton (Tours), s’en prennent surtout au candidat de l’UMP. « Nous sommes farouchement épris de liberté, d’égalité, de fraternité, disent-ils, une devise que nous préférons à « travail, conso, bagnole ». Nous sommes conscients que nous ne pouvons pas faire rire tout le monde. L’art du comique est délicat. Mais nous revendiquons ce droit. » Si leurs interventions font parfois grincer les dents, elles ravissent le plus souvent. Et si l’absurdité de leur création n’était qu’un écho de l’ambiance générale ?

Anne-Marie Gustave.
Photo : Matthieu Istil

L’Humanité : 14 Février 2007.

Publié le 19 mars 2006

Logo HumaSouriez, ils sont enregistrés.

HUMOUR . Le duo Polémix & La Voix Off remixe et détourne les discours des hommes politiques. Un joyeux antidote à la langue de bois. Attention, ceci est un trucage…

Prenez le discours d’un homme politique. Hachez-le en mille morceaux. Recollez le tout, sans qu’il n’y paraisse, avec une bonne dose d’insolence, beaucoup d’humour et de l’esprit critique à discrétion. Rythmez le tout sur fond de musique électro ou dub. Vous obtenez un Chirap, un Balladub, un Sarkozik ou encore un MEDEF Metal. Le résultat est totalement hilarant, et la recette fait le succès du duo Polémix & la voix off (1). Au point qu’après un premier album, La Prési-danse, le concept se décline aujourd’hui en candidature à la présidentielle : celle d’un improbable Bruno Candida qui tend un miroir cruel aux aspirants à la magistrature suprême.

Féroces, ces drôles de remix tapent là où ça fait mal : dans la vacuité d’une novlangue politico-médiatique trop souvent déconnectée du réel. Si la droite est une cible privilégiée, la gauche en prend aussi pour son grade. Pas question, pourtant, pour ces deux Tourangeaux traumatisés par l’épisode du 21 avril 2002, de céder au « tous pourris ». Leur contestation se veut joyeuse et thérapeutique. « Nous avons beaucoup de respect pour la chose politique et journalistique, soutient la Voix off. C’est précisément ce qui nourrit notre indignation à l’écoute des tristes sires qui ont aujourd’hui la mainmise sur la sphère politique et médiatique ».

C’est en 1995 que le concept émerge, sur les ondes de Radio Béton, à Tours. Premier champ de bataille, la reprise, par Jacques Chirac, des essais nucléaires dans l’atoll de Mururoa. À chaque explosion, une émission. « Nous devons beaucoup à Chirac et de Gaulle, sourit la Voix off. Ce sont nos grands inspirateurs ». Et d’affecter l’allure du général en parodiant sa voix à la perfection : « Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l’Europe ! l’Europe ! l’Europe ! ». Autre source intarissable d’inspiration pour le duo les innombrables raffarinades qu’ils citent aujourd’hui encore avec délectation : « La route est droite, mais la pente est raide… ». « Le fait de proférer de pareilles inepties révèle à quel point ces gens se sont affranchis du réel », souligne, plus sérieusement, la Voix off, en se remémorant les milliers de salariés qui avaient battu le pavé, en 2003, contre la réforme des retraites. Entre amertume et dérision, le jeune homme égrène les conquêtes sociales passées ces dernières années sous le rouleau compresseur des politiques ultralibérales. Sans ménager une gauche qui, a ses yeux, porte sa part de responsabilité. « Qui a dit que l’État ne pouvait pas tout face à l’économie ? Lionel Jospin, au moment des licenciements chez Michelin », rappelle-t-il.

La conviction de ces deux cyber-rejetons de dada : le rire, dans ce paysage politique sinistre, peut être une arme politique. « Les puissants ne craignent pas grand-chose, si ce n’est le ridicule et le rire des plus humbles, affirme la Voix Off. Le rire, c’est le début de la réflexion. Il peut être un moteur de la colère, une porte d’entrée vers la politique ». Et, c’est vrai qu’à l’écoute de ces impertinents montages, l’hilarité laisse vite place aux interrogations. La récurrence de certains mots ou expressions dont use Nicolas Sarkozy en dit, par exemple, beaucoup plus long sur sa vision que bien des analyses…

(1) www.polemixetlavoixoff.com.

Rosa Moussaoui

La Nouvelle République : 12 Mars 2007.

Publié le 18 mars 2006

Logo NRToute la lumière sur le gyrophare… Bulle et bouffonnerie.

GyrophareIl faut imaginer une grosse boule transparente, style soucoupe volante, ou boule à neige, posée place de la Préfecture à Tours, ce dimanche à la tombée de la nuit. À l’intérieur, deux animateurs sortis de leur boîte « RF », sur fond de drapeau tricolore, et un gyrophare faisant son boulot de gyrophare. A l’extérieur, deux faux gendarmes, version Saint-Trop’ popu, qui font les zouaves, amusent la galerie, deux, trois cents personnes, des jeunes, quelques familles. Et une sono franchement mal calée.
Entre deux musiques techno, la bande-son débite slogans et gags, imitations d’hommes politiques, et on rigole de « sarkozyque » et « chirap ». Même Bayrou et Pasqua en prennent pour leur grade. Il y a le « jeu du Jacques a dit » (Jacques Chirac, le même qui s’adressait aux Français hier à 20 h), et les « appels à la grève, aux barricades » car « faut que le combat de rue s’engage partout », avec la voix mixée de Giscard. Cela rappelait le bon vieux temps de 1981. On parle de « Ségo, irrationnel, surnaturel ». Et des témoignages d’inconnus, d’ouvriers, employés, qui abordent les grands sujets du moment, le chômage, l’usine, l’école à deux vitesses, la « France d’en bas de Raffarin, et s’attaquer aux petits, c’est vraiment petit (…) que l’on s’occupe du peuple »… Pas la même ambiance que celle des Victoires de la Musique de la veille à la télé (bien que…), mais bon, il faut bien rire de tout. Sur des barrières, des affiches électorales rappellent qu’on est en campagne présidentielle. Sur l’une d’elles, il a été rajouté au feutre gras : « Le Pen facho, Sarko-labo. »
Pour les uns, il y a comme un malaise. D’autres s’amusent bien. Il faut de tout pour faire un monde d’électeurs. « Bouffonnerie citoyenne », explique elle-même l’organisation, Franck Mouget, Polémix et la Voix Off, la compagnie tourangelle Le Muscle, et Bruno Candida, avec le soutien de la Compagnie Off. Elle appelle cela du « théâtre d’intervention ». Et une « farce politico-poétique ». Politico-anarchiste, dans la veine antilibérale, altermondialiste, alternative. Poétique ? Cela dépend où l’on place la poésie.
Une grosse bulle (mais chacun ne l’est-il pas, dans sa bulle quotidienne ?), et beaucoup de bouffonnerie. On résumera ainsi la soirée de la place de la Préfecture. En s’abstenant, à défaut de voter nul.
O.P.

Photo : Rakaille Le Rouge.