Souriez, ils sont enregistrés.
HUMOUR . Le duo Polémix & La Voix Off remixe et détourne les discours des hommes politiques. Un joyeux antidote à la langue de bois. Attention, ceci est un trucage…
Prenez le discours d’un homme politique. Hachez-le en mille morceaux. Recollez le tout, sans qu’il n’y paraisse, avec une bonne dose d’insolence, beaucoup d’humour et de l’esprit critique à discrétion. Rythmez le tout sur fond de musique électro ou dub. Vous obtenez un Chirap, un Balladub, un Sarkozik ou encore un MEDEF Metal. Le résultat est totalement hilarant, et la recette fait le succès du duo Polémix & la voix off (1). Au point qu’après un premier album, La Prési-danse, le concept se décline aujourd’hui en candidature à la présidentielle : celle d’un improbable Bruno Candida qui tend un miroir cruel aux aspirants à la magistrature suprême.
Féroces, ces drôles de remix tapent là où ça fait mal : dans la vacuité d’une novlangue politico-médiatique trop souvent déconnectée du réel. Si la droite est une cible privilégiée, la gauche en prend aussi pour son grade. Pas question, pourtant, pour ces deux Tourangeaux traumatisés par l’épisode du 21 avril 2002, de céder au « tous pourris ». Leur contestation se veut joyeuse et thérapeutique. « Nous avons beaucoup de respect pour la chose politique et journalistique, soutient la Voix off. C’est précisément ce qui nourrit notre indignation à l’écoute des tristes sires qui ont aujourd’hui la mainmise sur la sphère politique et médiatique ».
C’est en 1995 que le concept émerge, sur les ondes de Radio Béton, à Tours. Premier champ de bataille, la reprise, par Jacques Chirac, des essais nucléaires dans l’atoll de Mururoa. À chaque explosion, une émission. « Nous devons beaucoup à Chirac et de Gaulle, sourit la Voix off. Ce sont nos grands inspirateurs ». Et d’affecter l’allure du général en parodiant sa voix à la perfection : « Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l’Europe ! l’Europe ! l’Europe ! ». Autre source intarissable d’inspiration pour le duo les innombrables raffarinades qu’ils citent aujourd’hui encore avec délectation : « La route est droite, mais la pente est raide… ». « Le fait de proférer de pareilles inepties révèle à quel point ces gens se sont affranchis du réel », souligne, plus sérieusement, la Voix off, en se remémorant les milliers de salariés qui avaient battu le pavé, en 2003, contre la réforme des retraites. Entre amertume et dérision, le jeune homme égrène les conquêtes sociales passées ces dernières années sous le rouleau compresseur des politiques ultralibérales. Sans ménager une gauche qui, a ses yeux, porte sa part de responsabilité. « Qui a dit que l’État ne pouvait pas tout face à l’économie ? Lionel Jospin, au moment des licenciements chez Michelin », rappelle-t-il.
La conviction de ces deux cyber-rejetons de dada : le rire, dans ce paysage politique sinistre, peut être une arme politique. « Les puissants ne craignent pas grand-chose, si ce n’est le ridicule et le rire des plus humbles, affirme la Voix Off. Le rire, c’est le début de la réflexion. Il peut être un moteur de la colère, une porte d’entrée vers la politique ». Et, c’est vrai qu’à l’écoute de ces impertinents montages, l’hilarité laisse vite place aux interrogations. La récurrence de certains mots ou expressions dont use Nicolas Sarkozy en dit, par exemple, beaucoup plus long sur sa vision que bien des analyses…
(1) www.polemixetlavoixoff.com.
Rosa Moussaoui